Les châtiments corporels sont abrutissants

Frapper les enfants est une insulte à leur intelligence. Ceci n’est pas une formule idéaliste, mais bien le résultat d’études menées par une équipe de sociologues, dont les derniers travaux viennent d’être publiés et reçoivent le relai médiatique qu’ils méritent [Straus, Murray A. and Mallie J. Paschall. 2009. “Corporal punishment by mothers and development of children’s cognitive ability: A Longitudinal study of two Nationally representative age cohorts.” Journal of Aggression, Maltreatment, and Trauma.]

Nous savons intuitivement que la sidération générée par la peur et le choc physique abrutit. L’effet d’abrutissement est-il durable ? Cette hypothèse a été testée dans une fascinante enquête longitudinale menée auprès de 1010 enfants et leur familles. Les auteurs ont mesuré combien de coups ces enfants ont reçus de la part de leur mère pendant deux périodes de une semaine. Seulement 6,6% d’entre eux n’avaient pas été frappés pendant ce laps de temps (ce qui ne garantit pas qu’ils n’aient pas été frappés du tout pendant le reste du temps, ni même qu’ils n’aient pas été frappés par quelqu’un d’autre, mais confirme au moins que pour ces familles, l’usage des punitions corporelles n’est pas privilégié par rapport aux autres approches éducatives). Les 1010 enfants ont passé deux séries de tests de capacités cognitives : la première au moment de l’enquête et la seconde quatre ans après.

Les résultats sont imparables : plus un enfant est frappé, moins il développe ses capacités cognitives. Même les enfants qui n’avaient été frappés qu’une seule fois au cours de la période d’étude avaient un  développement cognitif inférieur à ceux qui n’avaient pas du tout été frappés. Et ceci est particulièrement vrai pour les jeunes enfants (de 2 a 4 ans), la tranche d’âge pour laquelle, triste ironie, les
statistiques montrent que l’usage des châtiments corporels est prépondérant.

Très logiquement, dans leur conclusion, les auteurs prennent clairement position contre l’usage des châtiments corporels. Ils citent une étude qui indique que les enfants jamais frappés avaient les plus bas scores de conduites antisociales, suggérant que les enfants non frappés comprennent mieux les lois de la société dans laquelle ils vivent que les enfants frappés.

Les auteurs estiment que l’adoption de lois bannissant l’usage des châtiments corporels devrait se traduire en augmentation des capacités cognitives de la population. Une étude internationale est en cours, impliquant certaines des 24 nations qui, à ce jour, ont adopté une loi de ce type. Ils insistent sur le fait que bannir les châtiments corporels est une nécessaire mesure de santé publique et citent les travaux qui montrent que les enfants qui ne sont pas frappés développent en grandissant les traits suivants :  diplômes plus élevés, salaires plus élevés, moins de dépression, moins d’alcoolisme, moins de délinquance juvénile, moins de pratiques sexuelles sadomasochistes et moins de violences à l’age adulte.

Fabienne,

pour le blog des Editions l’Instant Présent
référence de ce billet : http://www.editions-instant-present.com/blog/index.php/2009/09/29/chatiments-corporels/

On peut télécharger l’article en question, ainsi que les autres travaux de cette équipe, ici :
http://pubpages.unh.edu/~mas2/cp.htm

Si vous souhaitez citer ce texte, merci d’inclure les deux références URL ci-dessus.

Pour vous tenir au courant de notre actualité, abonnez-vous à notre flux rss! Wikio

Commentaire (4)

  • Astrid| 1 octobre 2009

    Bonjour

    Je viens de lire votre article. Je me pose une question : considérez-vous qu’une claque sur les fesses soit un chatiment corporel?
    Si tel est le cas, beaucoup d’entre nous, adultes, devraient etre abrutis aujourd’hui. Or, pour ma part, je ne pense pas que ca soit le cas!!

  • Fabienne| 1 octobre 2009

    Bonjour Astrid,

    Oui, une claque sur les fesses fait sans aucun doute partie de la violence educative ordinaire.

    Concernant l’idee que nous serions tous plus ou moins abrutis a l’age adulte, c’est une hypothese que je formule souvent en observant la societe dans laquelle nous vivons…

    Plus serieusement :
    l’article evalue les capacites cognitives des enfants 4 ans apres la periode de mesure, et cet effet de baisse cognitive etait visible meme chez les enfants qui n’avaient recu qu’un seul chatiment corporel pendant cette periode d’observation. Ca ne signifie pas que l’ecart de QI se maintient jusqu’a l’age adulte.

    Neanmoins, que cet effet dure jusqu’a l’age adulte ou pas, les resultats de l’etude nous eclairent sur les consequences des chatiments corporels et, je l’espere, seront recus comme tels par nos elus.

    Les auteurs de l’article suggerent que le refus des chatiments corporels par les parents les obligent a mettre en place des strategies verbales qui stimulent mieux les capacites cognitives des enfants.

    De plus, les coups mettent l’enfant en etat de choc neurophysiologique, et la repetition de ce type de choc altere a long terme la capacite du cerveau a gerer le stress.

    On ne devrait pas avoir, a mon avis, besoin de demonstration scientifique pour ne pas frapper les enfants. Chaque acte de violence educative ordinaire est une insulte a la dignite de l’enfant. Neanmoins, pour les sceptiques, les etudes s’accumulent et les resultats vont tous dans le meme sens : frapper les enfants leur fait du mal, pas seulement sur le moment, pas seulement physiquement…

  • Charlotte| 4 octobre 2009

    On dit aux enfants que ce n’est pas bien de frapper…. alors pourquoi est-ce qu’on frappe nos enfants?! On sait bien que les enfants imitent le comportement des adultes. Je suis persuadé que la violence fait naître la violence. C’est tellement plus efficace d’expliquer à un enfant ce qu’on attend de lui, et pourquoi. Les parents ne sont pas là pour créer des êtres craintifs, soumis et violents, mais nous sommes là pour guider nos enfants vers une autonomie responsable, une réflexion propre et l’épanouissement. En Suède tous les châtiments corporels vis à vis d’un enfant sont interdits. Chaque Suédois veille à faire respecter cette loi, que je trouve est très bien.

  • QI| 9 juillet 2010

    Je suis entierement d’accord. Le chatiment corporel, même QUE sur les fesses peut être traumatisant et c’est prouvé ne fait pas partie d’une bonne éducation