Un documentaire sur la difficulté maternelle a besoin de soutien

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Nous avons reçu ce message de l’association Maman Blues, auteur collectif du livre Tremblements de mères, le visage caché de la maternité. Chloé Guerber-Cahuzac, membre actif de Maman Blues depuis sa création est en train de réaliser un documentaire, intitulé “L’autre naissance”.
« Le film n’est pas complètement fini par manque d’argent. Depuis un an et demi, il est même complètement bloqué. Nous avons cherché des mécènes, mais ceux-ci ne s’intéressent pas à la souffrance psychique, surtout quand il s’agit d’un sujet aussi brûlant et tabou. Nous avons des partenariats avec des chaînes du câble qui acceptent de le diffuser, mais elles n’apportent pas d’argent pour le finir. Les chaînes plus prospères préfèrent aborder le sujet de façon moins frontale, notamment via des talk-show. Avec Maman blues qui soutient le projet, nous avons choisi de faire un appel à dons. C’est à ce titre que je sollicite votre attention et votre soutien aujourd’hui » Chloé.
En savoir plus sur ce documentaire : http://www.mailforgood.com/associations/maman-blues
Ce film, produit par Abacaris films, a déjà reçu l’aide du fonds de soutien du CNC. Il est aussi soutenu avec conviction par des marraines talentueuses :
les écrivains Annie Ernaux, Marie Darrieussecq, Gwenaëlle Aubry et Valentine Goby.
Chloé Guerber-Cahuzac souhaite le diffuser à la télévision et en salle, mais aussi réaliser un dvd avec un livret d’accompagnement, contenant les textes de ces marraines écrivains.
Ce film a été réalisé en partenariat étroit avec l’association Maman Blues. 3 de ses coprésidentes et une de ses membres y témoignent.
Depuis plusieurs années, Maman Blues cherche à faire mieux connaître la difficulté maternelle (souvent appelée dépression du post-partum, mais qui peut prendre d’autres formes).
Ce problème de santé psychique touche une femme sur dix soit environs 85 000 femmes par an.
Il s’agit d’une souffrance psychique qui altère le lien entre la mère et
l’enfant juste après la naissance. Elle s’exprime différemment selon les situations : la mère ne sent pas d’attachement pour son enfant ; elle l’aime, mais a des crises d’angoisse terribles lorsqu’elle est seule avec lui ; elle se sent incapable de répondre à ses attentes et perd toute confiance en elle, etc.
La difficulté maternelle – qui interroge donc le « devenir mère » – peut conduire les femmes à sombrer dans la dépression, à avoir des pensées suicidaires. Elle peut aussi avoir des conséquences graves sur le développement de l’enfant.
Or, nous constatons aujourd’hui qu’il existe très peu d’unités mère-enfant (moins de 100 lits sur tout le territoire français), que les professionnels de santé sont souvent peu formés sur ces questions et que les mères n’osent pas se faire aider tant leurs sentiments de honte et leur mal-être sont douloureux. La
question reste taboue.
L’association Maman Blues mène déjà un travail de sensibilisation via son site internet, ses groupes discussion et son ouvrage Tremblements de mères.
En tant que réalisatrice, Chloé Guerber-Cahuzac a choisi de réaliser un documentaire de création constitué de quatre témoignages de femmes ayant traversé une grande difficulté maternelle. A l’heure des talk show télévisés et des reportages simplificateurs, se concentrer uniquement sur la parole dense,
juste et belle de femmes qui pensent leur vie, veulent partager leur expérience, est un choix esthétique fort. C’est à cette parole que nos marraines ont été sensibles.
Pour l’association Maman Blues, cette œuvre cinématographique sera bien sûr aussi un outil de travail.
Nous sommes ici au carrefour entre création et action sociale. Le film permettra d’organiser des rencontres dans des PMI, des maternités, des maisons ouvertes et autres structures tournées vers la petite enfance. Il s’agira pour l’association de mettre en place des projections/ débats avec les familles et
les professionnels de santé. Le film sera donc un outil pour libérer la parole, briser les tabous et échanger.
Le film voyagera avec les membres de l’association dans différentes régions où Maman Blues a des relais (Lyon, Toulouse, Rennes, Fontainebleau,Crest, etc).
Pourquoi un documentaire avec « que » des mamans ?
Après plusieurs années d’écoute des mamans qui viennent se confier anonymement sur le forum de discussion de l’association, le constat est toujours le même : Le témoignage (à travers le film et à travers les débats) est vraiment la seule méthode efficace et pertinente pour présenter la difficulté maternelle de l’intérieur, pour expliquer sa complexité et sa gravité.
C’est ainsi que l’on peut convaincre des femmes en souffrance, qu’elles ne sont pas seules dans leur cas et qu’elles peuvent se faire aider. C’est parce qu’elles entendent d’autres mamans se confier, raconter cette traversée difficile qu’elles osent parler d’elles.
Pour les professionnels de santé, écouter une femme raconter ce qu’elle a vécu de l’intérieur conduit souvent aussi à une meilleure prise en charge de leurs patientes.
Aujourd’hui, nous sommes donc à la recherche de “citoyens mécènes” sensibles à cette question maternelle si essentielle pour notre société. Ainsi pourrons-nous enfin achever ce film et le partager.
Merci à tous de votre soutien,
Chloé Guerber-Cahuzac et l’association Maman Blues »

Augustine à la lumière de “Enquête aux archives Freud”…

Augustine, le film d’Alice Winocour sorti tout récemment raconte l’histoire d’une jeune domestique atteinte d’hystérie, et de son hospitalisation dans le service du professeur Jean-Martin Charcot, à l’hôpital de la Salpêtrière, à la fin du 19ème siècle. A la lumière de Enquête aux archives Freud, notre dernier livre, ce beau film sensible prend soudain

Charcot au chevet d'Augustine

Charcot au chevet d'Augustine

tout son sens. Comme Jeffrey Masson nous le rappelle, Freud a effectué un séjour d’études à Paris dans le service du professeur Charcot, qui a eu une influence déterminante dans son parcours, et déjà dans son intérêt pour l’hystérie.
Maladie propre à cette époque, l’hystérie féminine, spectaculaire et mystérieuse, avec ses troublants symptômes sexuels, s’expose alors, au sein même de l’hôpital, comme un divertissement morbide auquel assistent médecins, notables et curieux, les célèbres leçons de Charcot.
Alice Winocour sait brillament en rendre l’atmosphère oppressante, la solitude de la patiente bête de foire, hypnotisée et conditionnée (elle fait dire à Charcot que la patiente est “exercée”) à reproduire les crises sous hypnose, se roulant et se tordant dans des attitudes explicites, obéissant à ce qui est attendu d’elle ; lorsqu’on comprend l’aura qu’exerce Charcot, il apparaît bien que le jeu est trouble, qu’être une patiente docile est la seule issue pour échapper au terrible enfermement hospitalier en attirant l’attention du maître, dans l’espoir de guérir…
La scène de la première crise d’hystérie d’Augustine, lorsqu’elle sert à table, fait extraordinairement écho à la première théorie de Freud sur l’origine de l’hystérie, c’est-à-dire les abus sexuels subis dans l’enfance : Augustine tombe au sol, se tord et se débat, en suppliant “Arrête, arrête…” et en tentant d’éloigner des mains imaginaires qui l’étrangleraient : pourrait-on mieux montrer qu’elle revit la terreur d’un abus subi à un âge où elle n’avait pu ni se défendre, ni le comprendre ?
Et comment s’étonner, au vu de l’absence complète de considération pour les femmes, encore plus les femmes pauvres et malades, dans le service de Charcot (manipulées, dénudées, droguées, attachées), conforme sans doute aux moeurs de l’époque, que l’idée même qu’un abus puisse les rendre malades n’aurait eu aucun sens pour les médecins de l’époque ?
Le film n’est cependant pas manichéen et fait oeuvre épistémologique en montrant aussi la quête tragique du médecin, devant des mystères qui le dépassent, qu’il tente d’élucider à l’aide de moyens dont les progrès de notre époque soulignent le côté terriblement dérisoire, de conceptions formelles mais irrationnelles et aléatoires… Il est cependant effrayant de constater que certaines sont encore à l’oeuvre pour les psychanalystes d’aujourd’hui, au travers d’une des idées les plus dictatoriales de la psychanalyse, la notion (complètement fictive, ainsi que l’ont fermement démontré les approches neuro-cognitives) de déplacement de symptôme dont on devine que Freud l’a reprise à Charcot, qui constatait, totalement démuni, les paralysies sans cause organique passant comme magiquement de l’oeil au bras…
Ce film vient donc bien à l’appui de la première théorie de Freud sur l’étiologie de l’hystérie, l’abus sexuel, tout en nous montrant, en complément au travail de Jeffrey Masson, dans quel contexte social -l’inexistence de la dignité des femmes-, académique -éternels jeux de pouvoir et d’influence avec les financeurs et les dispensateurs d’honneurs – et scientifique -une médecine entièrement démunie et inopérante, tant dans ses concepts que dans ses outils-, Freud l’a abandonnée pour inventer la théorie des pulsions, contre les dégâts de laquelle la lutte est encore inachevée.
Toute la mélancolie d'Augustine jouée par l'actrice Soko

Toute la mélancolie d'Augustine jouée par l'actrice Soko

“Apprendre à lire sans prof ? Les enfants éthiopiens s’y emploient”

Dans les réseaux non-sco a circulé un article paru dans Rue89 intitulé “Apprendre à lire sans prof ? Les enfants éthiopiens s’y emploient”, par Yann Guégan :
http://www.rue89.com/2012/11/01/apprendre-lire-sans-prof-les-enfants-ethiopiens-y-arrivent-236725.

L’article raconte que l’ONG ‘One Lapbtop Per Child’ fondée par Nicholas Negroponte distribue des ordinateurs portables dans des pays où les enfants “n’ont accès à aucune éducation”. Ils ont voulu savoir si avec du matériel, les enfants pourraient “apprendre tout seul”. Ils ont donc distribué des tablettes prééquipées (en anglais) à une quarantaine d’enfants de deux villages éthiopiens.

Il décortique les intérêts de Nicholas Negroponte à développer la culture numérique, il explique que connaitre quelques lettres n’est pas savoir lire, et surtout il doute de la pertinence d’une expérience non accompagnée par une structuration pédagogique.

Dans ce débat, une voix ne s’est pas du tout fait entendre : les familles engagées dans l’éducation autonome hors école voudraient témoigner qu’il existe tout un mouvement en France et dans le monde pour sortir du paradigme de l’école et de la pédagogie (ultra prégnant, voir ce que l’article dit sur “l’Unesco (…), pour qui il n’y a pas d’éducation sans écoles, sans enseignants, sans construction d’une structure éducative adaptée”).

Ces familles observent chaque jour combien l’enfant apprend bien lorsqu’il apprend par lui-même, par l’action, l’observation et l’interaction avec son entourage. La clé de la poursuite d’apprentissage de ces enfants éthiopiens sera l’utilité de la lecture par rapport à leur projet de vie. Si lire des choses est utile et intéressant pour eux, si leur entourage a une attitude bienveillante et curieuse vis-à-vis de cet apprentissage, alors il est certain qu’ils apprendront à lire, les familles l’observent tous les jours avec leurs enfants non-scolarisés (et non-“éduqués”, voir www.editions-instant-present.com/souscription-la-fin-de-léducation-commencements-p-48.html), qui ne fréquentent pas d’enseignants ni d’école ni de structure éducative ni de pédagogie.

Maintenant, la question qui se pose, pour moi, c’est : quelle forme de colonisation de l’imaginaire promeut cette invitation à jouer et lire en anglais ? Est-ce que ces enfants qui vivent en équilibre avec leur entourage et leur environnement (ou pas, je ne connais pas le contexte) ne rêveront plus que de devenir programmeurs dans la Silicon Valley, ou partir à la ville ?

Le simple fait de qualifier ces enfants comme ne bénéficiant pas d’”éducation” révèle cette colonisation de l’imaginaire (pour reprendre l’expression de Serge Latouche) qui considère que ces enfants ont un “manque” alors que personnellement je considère comme un atout leur “manque d’éducation”, au vu de la débrouillardise et du sens de l’initiative qui leur ont permis d’utiliser efficacement les tablettes.

Claudia Renau

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