Hormones et féminisme
On s’amuse bien quand on se plonge dans la question des relations entre le féminisme et le maternage. Surtout quand nos enfants deviennent ados.
Jusque dans les années 90, le féminisme avait à sa disposition deux grands courants. Caricaturons un peu :
– l’essentialisme : il y a une différence fondamentale entre un homme et une femme et le féminisme doit mettre en avant les qualités dont la nature a spécifiquement doté les femmes. En gros, nos différences existent, elles sont innées et il faut les mettre en valeur.
– le constructionnisme : il n’y a aucune différence fondamentale entre un homme et une femme et le féminisme doit faciliter l’accès aux qualités que la culture confère aux hommes. En gros, nos différences sont des pures constructions sociales et une femmes libérée doit avoir acquis les qualités considérées comme masculines.
Je parle ici en mon nom : aucun des deux courants ne me convient (pour le dire gentiment). Le premier est sexiste et tend à favoriser les discriminations dont sont victimes les femmes, même si je reconnais qu’il est nécessaire de se battre pour que les qualités supposément féminines (care, empathie, etc) soient mieux considérées. Le second a certes comme avantage de parvenir à réduire les discriminations, toutefois au mépris des qualités traditionnellement attribuées aux femmes, et notamment au mépris des besoins des enfants, qui sont alors considérés comme un outil social d’oppression.
J’ai bien dit que je caricaturais, ne sortez pas tout de suite les griffes, je sais que c’est nettement plus compliqué que ça. Déjà parce que les féministes constructionnistes en France sont imprégnées de psychanalyse et que la psychanalyse est ultra-essentialiste, ce qui rend toutes ces théories un brin chaotiques. Et que les essentialistes françaises sont imprégnées de marxisme, qui pose que l’oppression des femmes par les hommes est indispensable à l’établissement des classes sociales, un facteur d’entropie supplémentaire donc. Et puis il y de nombreux courants, sous-familles, etc, faut pas croire qu’on peut si facilement mettre le féminisme en cases…
Quand je vous disais qu’on s’amuse !
Tant que la discrimination sera réelle, les injustices statistiquement significatives et que les victimes resteront nombreuses, le féminisme sera nécessaire, et heureusement que la théorie des genres, soutenue par la biologie, est venue nous offrir des perspectives de nuances.
Quel rapport avec les ados ?
La pression sociale à distinguer les genres atteint des sommets quand nos enfants deviennent adolescents. C’est le sujet de notre “Stop à l’hypersexualisation”, un livre à mettre dans les mains de toutes les familles. Exemples : Une jeune fille fait une crise de nerf ? Nah, ce sont les hormones, ce sont toutes des hystériques (et surtout pas parce qu’elle aurait un motif légitime de mécontentement). Un jeune homme force une jeune femme a un rapport sexuel non consenti ? Rho, ce sont juste les hormones, il n’y peut rien le pauvre, tout le monde sait bien que quand les c***lles commandent, il faut obéir (et surtout pas parce que la culture du viol a fait partie de son éducation).
Maintenant, nier les hormones n’a pas aucun sens. Il suffit d’avoir vécu une fois un boost hormonal pour savoir que ces petites choses ont une influence majeure sur nous, certes certes… Comme le stress, le manque de sommeil, l’hypoglycémie, etc. Et oui, nous sommes des mammifères, la réalité physiologique est là. Et pendant l’adolescence, elle se fait entendre. Sauf que la réalité physiologique est nuancée, contrairement aux dogmes sexistes, et qu’une bouffée hormonale est quelque chose qu’on peut apprendre à vivre et utiliser en pleine conscience. Un apprentissage que nos beaux adolescents sont bien plus prêts à acquérir qu’on ne le croit parfois.
Et comme j’aime épicer de pop culture mes discours lénifiants, voici l’illustration parfaite de ce que je cherche à dire : Big Bang Theory, saison 7 épisode 2 [SPOILER ALERT].
Howard a pris du poids et se comporte étrangement. Bernadette découvre qu’il a reçu par erreur une forte dose d’œstrogènes. Elle lui dit “C’est donc pour ça que tu es bouffi, hyper émotif et particulièrement pénible”. Il répond “Mais toi, tu es remplie d’œstrogènes, et tu ne comportes pas comme ça”. Elle explique “C’est parce que je suis une femme, j’ai eu des années pour apprendre à chevaucher le dragon”.
L’intrication de la nature et de la culture en une seule phrase. Merci Chuck Lorre d’avoir réconciliés essentialisme et constructionisme.