encore la couverture du Times : Alanis Morisette à propos de l’attachment parenting

2012-06-06-timeAvez-vous vu ce joli article de la musicienne Alanis Morissette à propos de l’attachment parenting, en réaction à la controverse qui a suivi la couverture du Times (reproduite ci-contre) avec un bambin debout sur une chaise en train de téter ? Il se trouve sur le site du Huffington Post : www.huffingtonpost.fr/alanis-morisette/attachement-parental…
Attention à la traduction néanmoins, attachment parenting a été retranscrit en “attachement parental”… cela nous semble propre à confusion. En effet, il est évident que tout parent, quelles que soient ses pratiques, est attaché à son enfant (et fait de son mieux) ! Comme Alanis Morissette l’explique très bien, l’expression attachment parenting se refère à la période dite d’attachement, ce moment de la petite enfance où le bébé est dépendant des adultes pour subvenir à tous ses besoins, qu’ils soient physiques ou émotionnels. La période d’attachement est alors suivie de la période d’exploration, les deux se succédant dans une intrication parfois désarmante. Les parents qui se retrouvent dans les idées de l’attachment parenting s’appliquent à vivre au mieux ce continuum, de la grossesse à l’indépendance peu à peu acquise du bambin, et cela passe généralement, dans la mesure du possible et du respect de tous, par l’allaitement vers le sevrage naturel ou le portage du bébé. Attachement parenting se traduirait alors littéralement par parentage de l’attachement, mais on parle plutôt de parentage proximal, maternage proximal ou plus simplement maternage.

deux papas en plein paternage

deux papas en plein paternage

Alanis Morissette rappelle aussi qu’il s’agit surtout de faire confiance aux capacités de l’enfant ! ce qui, je crois, exprime bien nos convictions profondes, que ce soit pour l’allaitement ou pour les apprentissages !
Toujours à propos de cette couverture du Times, vous pouvez lire l’éditorial de La Leche League France www.lllfrance.org/Editos-Page-d-accueil/Une-photo-de-couverture-qui-fait-debat…

Tout ceci met en tout cas un coup de projecteur sur une réalité : l’allaitement des bambins. Celui-ci n’a pas souvent la faveur des médias, mais est néanmoins une réalité biologique et sociologique, qui fait partie du quotidien de nombreuses mères à travers le monde et les différentes cultures

Elle, 15 juin 2012, « Gare aux hyper-mères ? », Danièle Gerkens

Intéressant article ce vendredi dans Elle « Gare aux hyper-mères ? », que signe Danièle Gerkens. Suivant cette tendance qu’a la presse de parler de ce dont parle la presse, il s’agit d’un commentaire français sur la couverture du récent numéro du Times, où l’on voyait une jeune maman, manifestement moderne et épanouie, allaiter son fils de presque 4 ans. Cette couverture a entraîné des débats passionnés aux Etats-Unis, autour de celui qui serait le « nouveau » gourou, le pédiatre pro-attachement parenting, William Sears ( pour les anglophones le site www.askdrsears.com/) .
Je mets « nouveau » entre guillemets, car en France, la Leche League diffuse les superbes ouvrages du Dr Sears depuis au moins 1999, l’année où j’ai acheté Etre parents le jour, la nuit aussi, unique livre francophone disponible à l’époque à traiter lucidement des « problèmes » de sommeil de l’enfant, face à une littérature psychologisante française arc-boutée sur les « données » dépassées de la psychanalyse.
C’est à l’époque peut-être que la presse aurait fait œuvre d’esprit d’investigation en publiant un article à ce sujet !
Peu de chiffres fiables sur ce « phénomène des hyper-mères », nous dit Danièle Gerkens, s’appuyant essentiellement sur le taux d’allaitement, en croissance continue depuis les années 1970. Les femmes qui font ce choix s’appuient certainement plus sur leurs propres connaissances scientifiques, sur leur envie ou leur instinct, que sur « les people qui revendiquent le sein nourricier »…
Danièle Gerkens reprend l’hypothèse explicative de la réaction de ces femmes nées dans les années 1970 à la propre absence de maternage de leurs mères, trop investies dans leurs carrières, notamment régulièrement avancée par l’incontournable Elisabeth Badinter, qui vient d’ailleurs bien entendu donner son opinion dans l’interview qui clôt l’article. Il est probable que cette hypothèse ne résisterait guère à une analyse sociologique sérieuse quant au taux réel de femmes menant de véritables carrières de haut niveau. Il est probable aussi que pour un certain nombre de ces femmes, il y a aussi eu une part de transmission des valeurs maternelles par leur propre mère. Il est certain, surtout, que les mères actuelles ne se définissent pas nécessairement en référence aux mères des années 1970, parce que le monde a changé, quelque difficile que cela soit à intégrer pour les « féministes historiques », parce les mères actuelles ont leur autonomie de pensée et d’action, qu’elles ont des ressources intellectuelles et relationnelles nouvelles –et en premier lieu Internet, dont on ne dira jamais assez la puissance de diffusion d’idées et de modèles innovants, créateurs, anticonformistes, libérés des influences institutionnelles classiques, en l’occurrence les médecins mal informés dont les congrès sont encore de nos jours subventionnés par les fabricants de lait en poudre, et les psychologues et psychanalystes, spécifiquement en France, constitutivement imprégnés d’hypothèses datant de la Vienne patriarcale du début du 20e siècle.
Car bien sûr, ce qui est opposé aux hyper-mères, ce sont ces propos objectivement risibles des tenantes de ce courant : « Allaiter au long cours un enfant qui a déjà des dents, c’est lui demander de réprimer son agressivité, inhiber son désir de mordre le monde, ce qui peut induire des difficultés à grandir » (Maryse Vaillant). Certains bébés ayant des dents dès l’âge de 5 mois, comment comprendre que les autorités officielles de santé française, suivant en cela l’OMS (qui représentant l’ensemble des communautés médicales du monde, est sans doute détachée des références théoriques de Madame Vaillant) recommandent l’allaitement jusqu’à 2 ans, au risque d’induire des difficultés à grandir ? Ou peut-être que ce risque est purement imaginaire ? On pourrait même retourner cette assertion boiteuse, puisque réprimer son agressivité peut aussi sembler un objectif souhaitable, comme ne cessent de nous le montrer tant de terribles exemples dans le monde. L’indispensablement citée Claude Halmos avance à nouveau son unique argument à ce sujet : « Allaiter au long cours et dormir avec son enfant, c’est brouiller les repères et perturber les étapes de sa construction psychique. ». Nous attendons toujours les recherches scientifiques sérieuses qui viendraient à l’appui de cette affirmation, puisque nous n’avons pas, nous, la prétention d’élever au rang de vérité les pourtant innombrables exemples dans nos familles et nos entourages d’enfants « allaités au long cours et ayant dormi avec leurs parents » dont « la construction psychique » semble satisfaisante. Un espoir cependant pour Madame Halmos, les enfants dans ce cas étant de plus en plus nombreux, ces études pourront bientôt être menées de façon fiable, et conduiront sans doute à renforcer – plus qu’à redéfinir, car de nombreuses théories alternatives actuelles fécondes existent déjà, seulement elles restent encore trop souvent inexplicablement bloquées aux frontières françaises – une conception « des étapes de la construction psychique » ne s’appuyant pas sur des hypothèses datant d’un siècle.

l'hyper-père, compagnon de l'hyper-mère

l'hyper-père, compagnon de l'hyper-mère

Merci enfin à Danièle Gerkens de ne pas donner le dernier mot à ces menaces archaïques, et d’inviter plutôt à voir dans ce maternage assumé « les prémices d’une nouvelle voie », qu’empruntent, chacune à leur façon, avec le père de leurs enfants, avec ce qu’elles sont, dans les joies et les difficultés de la vie réelle, « les femmes indépendantes, rétives à toutes les injonctions et à toutes les normes, bien décidées à inventer leur propre définition d’une maternité épanouie ».

Marlène Martin.

Féminisme et maternage, une étude américaine

(via un article du blog santé du Figaro et en anglais : Are Feminism and Attachment Parenting Practices Compatible?)
Une étude américaine parue début juin dans la revue Sex Roles a mis en perspective les pratiques maternelles de 431 femmes avec leurs propres croyances relatives au féminisme et à la maternité. Les pratiques maternelles étudiées étaient plus spécifiquement l’allaitement prolongé, le sommeil partagé et le portage du bébé en écharpe. L’idée de départ était aussi de déterminer si les pratiques d’attachment parenting (parentage proximal) étaient vécues comme un facteur d’oppression ou au contraire de plus grande autonomisation (empowerment).
Et les auteures, Miriam Liss et Mindy Erchull, de conclure : “Nos résultats suggèrent que les stéréoptypes largement répandus comme quoi les féministes sont opposées aux relations familiales sont faux.” Ce sont bien les femmes féministes de l’étude qui se sont révêlées les plus favorables au parentage proximal tandis que les femmes non-féministes étaient plus portées à adopter des horaires stricts pour leurs enfants.
anneesdelait_500 Voilà qui ne va pas faire plaisir à Elisabeth Badinter ! (cliquez ici pour relire la critique de son livre le conflit, la femme, la mère)
En illustration, la couverture de Les années de lait, de Marie Australe, récit d’un allaitement au long cours.
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Journal Reference:

  1. Miriam Liss, Mindy J. Erchull. Feminism and Attachment Parenting: Attitudes, Stereotypes, and Misperceptions. Sex Roles, 2012; DOI: 10.1007/s11199-012-0173-z